vendredi 22 mai 2009

Frédéric Péchenard dégaîne à l'Assemblée

Dans une commission de défense de l’assemblée nationale où certains membres ne cachent pas, souvent, leur désespoir d’obtenir des réponses de leurs auditionnés, les députés ont eu un étonnant exemple de précision en la personne de… Frédéric Péchenard, le 13 mai (1). Le directeur général de la police nationale n’arrivait pas en terrain conquis, c’est le moins que l’on puisse dire mais il a su éviter quelques peaux de banane qu’on lui avait préparées. Et il en a profité pour livrer quelques vérités bien senties sur ses rapports avec la gendarmerie.
En matière de lutte contre le terrorisme, le DGPN a opéré à fleurets mouchetés, dénonçant la volonté de la gendarmerie de conquérir quelques « parts de marchés » (…) « Je ne voudrais pas que la gendarmerie vienne polluer des coopérations opérationnelles qui marchent à la perfection, notamment en ce qui concerne la lutte contre l’ETA. Nous travaillons excellemment avec nos partenaires espagnols qui ne doivent avoir comme interlocuteurs que la DCRI et la DCPJ » a-t-il martelé, sans faire, on l’a compris, dans le détail. 75% des affaires de terrorisme islamique étant déclenchées par des information en provenance de services amis, bouleverser les points d’entrée –il a cité conjointement la DGSE et la DCRI- pourrait déstabiliser la productivité du système. Et pour ceux qui n’avaient pas compris, le DGPN a terminé sur ce point en implorant : « notre outil de lutte contre le terrorisme fonctionne très bien ne le fragilisez pas ».
Le DGPN n’est pas dogmatique, et le prouve, en proposant de nommer au poste de n°2 de l’UCLAT (unité de coordination de la lutte anti-terroriste, logée auprès du DGPN) le colonel de gendarmerie qui sert d’officier de liaison avec la DGGN. Il avait, et là c’est nous qui le révélons, déjà accepté, dans le principe, qu’un officier de gendarmerie prenne le commandement du détachement central interministériel (DCI), rattaché au RAID.
Du RAID, il en est question aussi, et du bon phasage avec le GIGN. Le DGPN révèle avoir refusé d’engager cinq fonctionnaires du RAID dans une force d’intervention naissante au Kosovo, à la demande de l’UE. Au motif que l’engagement durable de policiers à l’étranger n’est pas la vocation du RAID, contrairement, affirme-t-il, au GIGN. Il cite d’ailleurs plusieurs engagements type du GIGN, en Irak, en Afghanistan (où le RAID renforce cependant la protection de l’ambassadeur), au large de la Somalie. Rappelons cependant que les deux unités sont régulièrement associées pour des missions ponctuelles à l'étranger, qu'il s'agisse de la protection de nos sportifs (J.O de Pékin) ou de la négociation, via la CIN, de la libération de Français séquestrés.
Pas de bonne audition, non plus, sans quelques variables économiques. A l’appui de sa vision, Frédéric Péchenard constate que le budget du policier est « 30% inférieur » à celui du gendarme. Un argument de plus, donc, pour les mutualisations. Le DGPN en cite une qui fonctionne, à son sens : l’achat d’heures de vol d’hélicoptères par la police à la gendarmerie soit 105 heures en 2007, 830 en 2008 et sans doute 1.300 heures cette année. La formation des maître-chiens par la gendarmerie économise les 15 MEUR qu’auraient nécessités un centre dédié. Ce n’est pas rien.
Autre exemple, la mutualisation des achats de pistolets Sig Sauer 2022, qui auraient permis de faire baisser les prix de 1000 euros pièce à 300. Une affaire.

(1)
Je m’excuse de découvrir aussi tard cette audition, et de vous la livrer mais j’étais en reportage ces derniers jours dans les armées, d’où, et je m’en excuse aussi, une petite baisse de régime dans la cadence de livraison des posts…
(2) commandé par un de ses fidèles, Amaury de Hauteclocque. Ancien numéro deux de l'UCLAT, et ancien chef de la section antiterroriste (SAT) du "36", ce commissaire divisionnaire au nom évocateur effectua aussi son service militaire chez les commandos marine, comme aspirant. Frédéric Péchenard effectua le sien au 1er RCP.
Notre photo: Frédéric Péchenard (à droite), le 31 décembre 2008, à la gare RER de Saint-Denis, en compagnie du directeur central de la sécurité publique, Eric Le Douaron. (crédit JMT)